Luttes contre l’illectronisme

  • Luttes contre l'illectronisme

Description

Le nombre de formalités considérées comme « essentielles à la vie quotidienne des Français » pouvant être effectuées en ligne étant en constante augmentation, l’accompagnement à l’usage des outils numériques est fondamental pour les personnes qui ne sont pas en mesure de les utiliser de manière autonome. Forts de leur présence en Occitanie, les CRIA interviennent dans la lutte contre l’illectronisme en tenant compte des réalités des territoires.

 

L’illectronisme en Lozère

Lors des Journées Nationales d’Action contre l’Illettrisme (JNAI) de septembre 2022 en Lozère, un atelier avait été proposé sur la problématique de l’illectronisme, ou « Exclusion Numérique ».
Ce focus était animé par Paul Clavel, Chargé de Mission « Inclusion Numérique à Lozère Développement », et par Emilie Olibo Conseillère Numérique en Lozère (secteur Margeride-St Chely d’Apcher).
Pour rappel : l’illectronisme se définit comme l’état d’une personne qui ne maîtrise pas les compétences nécessaires à l’utilisation et à la création des ressources numériques. On distingue dans l’illectronisme les lacunes liées à l’utilisation des outils numériques (ordinateurs, téléphones intelligents, etc.) et celles liées à l’usage des contenus
disponibles sur Internet, comme remplir un formulaire en ligne, acheter sur un site Web, etc…
Nous rencontrons Paul Clavel en ce début d’année 2023 pour faire un point sur la situation en Lozère :
– L’exclusion numérique nous explique-t-il, touche une grande diversité de publics, comme les personnes âgées en précarité (ou pas), les familles en difficultés, travailleurs pauvres, les
demandeurs d’emploi, les jeunes en insertion, les SDF, les grands exclus ; ce qui représente
40% de ces publics.
Mais plus largement, 13% des français se disent en pénibilité numérique.
Or, ce constat devient préoccupant lorsque l’on sait que la dématérialisation numérique des
services publics (mais aussi bancaire, logement, transport, réservations, etc…) s’accélère,
avec un objectif affirmé du tout numérique à brève échéance.
L’accès au droit est très inégalement réalisé, en fonction des territoires (couverture du
réseau internet), des plateformes (processus de dématérialisation, suivi de qualité de service,
dispositifs d’accueil physique et de soutien souvent inadaptés), des possibilités
d’accompagnement.
– Pour pallier ces difficultés, des dispositifs d’accompagnement ont été mis en place au niveau national. Ce sont les Hubs pour un numérique inclusif qui fédèrent et accompagnent les acteurs opérationnels et publics dans leurs actions pour l’inclusion numérique (Promotion de l’inclusion numérique, mise en réseau des acteurs, développement des formations, mutualisation et partages des ressources).
– Le Hub régional de l’Occitanie est RhinOcc.
En Lozère, l’organisme « référent territorial » du Hub est Lozère Développement.
– Paul Clavel nous explique que le Conseil départemental de la Lozère élabore par ailleurs un
Schéma des Usages et des Services Numériques afin de définir des actions concrètes en
faveur de l’appropriation des usages de numériques par tous en Lozère. La réflexion est en
cours, notamment sur la nécessité de coordonner les initiatives existantes et de les pérenniser.
– Cela passe par le déploiement des sites France Services sur le territoire de la Lozère depuis la fin des années 2000. Celui-ci a permis d’offrir une offre d’accompagnement au plus proche des populations.
– De plus, le Conseil départemental et Lozère Développement ont déployé un dispositif de
carnets de 10 chèques Pass Numérique. Ce dispositif donne aux bénéficiaires (Demandeurs d’emplois, bénéficiaires du RSA, mineurs, étrangers primo-arrivants, seniors, …) le droit d’accéder à des services d’accompagnement et/ou de formation numérique avec prise en charge totale ou partielle. Ces chèques ont une valeur de 10 € pour un volume d’une heure.
Les orientations des bénéficiaires vers ce dispositif se font grâce à l’action d’une vingtaine de
partenaire du Conseil départemental dans les domaines du social, de l’emploi et de
l’insertion. Les formations sont assurées par des associations luttant contre l’exclusion
numérique, les Conseillers Numériques France Services et des médiateurs numérique.
Fin 2022, ce sont 100 chéquiers qui ont été prescrits, et en partie ou totalement utilisés…
Pour info : Les 15 Conseillers Numériques France Services lozériens sont employés par des
collectivités et des associations et financés en partie par l’Etat. Ils interviennent auprès de la
population lozérienne en proposant de la formation visant à l’autonomie des publics dans leurs usages du numérique.

 

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Appuyer les acteurs pour contribuer à la lutte contre l’illectronisme

L’illectronisme désigne à la fois « le fait de ne pas posséder les compétences numériques de base (envoyer des courriers électroniques, consulter ses comptes en ligne, utiliser des logiciels) ou de ne pas se servir d’Internet (incapacité ou impossibilité matérielle) ». Le second aspect peut impliquer une exclusion qui relève d’autres facteurs que l’absence de compétences (pauvreté, manque de couverture réseau etc.).

La part de l’écrit dans l’usage de ces outils étant majeure, de faibles capacités à traiter des informations dans un code écrit donné occasionnerait un usage plus restreint, impactant  la vie quotidienne et en particulier l’accès au droit de toutes les personnes en difficulté avec la langue et les savoirs de base qu’elle soient francophones d’origine ou non.

Dans l’objectif de sensibiliser et aider les acteurs qui accompagnent les publics en fragilité sur les compétences numériques, le CRIA 34  propose des actions de professionnalisation variées pour  :

  • Sensibiliser des acteurs de l’inclusion numérique aux spécificités de l’accompagnement des publics en fragilité sur les savoirs de base et la langue,
  • accompagner et former les structures de proximité sociolinguistique à identifier les outils permettant de maintenir la relation pédagogique.

Le CRIA 34 a ainsi proposé à 20 acteurs de l’accompagnement une session de formation action animée par  Madame Aurore BARROT pour les aider à «  Concevoir des séquences pédagogiques centrées sur l’utilisation des services administratifs en ligne ».

Dans un premier temps, Madame BARROT a souligné l’importance de cerner  la problématique, les difficultés et les leviers d’action possibles pour les formateurs :

  • L’enjeu de rentrer dans l’usage du numérique par le smartphone (87% des usages). De tenir compte de la vulgarisation des applications type What’sApp. Médiateur dans l’accès aux droits ou formateur, le smartphone fait partie de tous nos agirs quotidiens et doit avoir sa place en formation. Pour être vraiment dans la compétence, il faut amener formés et formateurs à savoir utiliser les différents supports (PC, smartphones, tablettes).
  • Identifier l’espace de médiation numérique et l’espace de formation/apprentissage numérique : accompagner à utiliser (médiation) et accompagner à apprendre (formation) : c’est différent !
  • Connaître les principaux freins au numérique : la littératie, la prise en main des outils, l’accès aux équipements (ANSA 2018) mais aussi le manque d’intérêt (donner envie et du sens sera vital pour ne pas vivre le numérique sous contrainte), et la peur du risque d’erreur (dédramatiser les erreurs qui sont aussi les balises d’une progression !). Il faut réduire ce sentiment d’insécurité par rapport à ce qui semble ne pas « faire trace » dans le numérique.

Des leviers comme : l’équipement chez soi pour s’entraîner, les outils de contournement de l’écrit (commande vocale/écrit prédictif), le soutien familial, la bienveillance, l’encouragement, les entrées par plaisir / désir, la dimension déontologique (sécurisation des données), et surtout les situations pédagogiques construites (tiers neutre).

Dans un deuxième temps, elle a proposé de créer des situations pédagogiques avec une méthodologie précise :

  • Le distingo entre contenus d’apprentissage langagiers et numériques, les objectifs poursuivis, le format du groupe, les types d’activité et le choix des supports d’apprentissage,
  • les différentes phases du scénario pédagogique proposé : contextualisation / découverte, exploration, systématisation, réemploi guidé / réemploi libre, évaluation.

Des productions telles que « Créer son compte AMELI », « Comprendre le fonctionnement de l’appli Pronote et ses fonctionnalités », « Demander un entretien à son conseiller Pôle Emploi depuis son Espace personnel depuis un ordinateur / depuis un smartphone » ont pu être réalisées par les participants.

Des ressources ont illustré cette formation :

  • La débrouille numérique
  • Répertoire des ressources numérique CRI PACAvol 1 & 2 :

https://didac-ressources.eu/wp-content/uploads/2017/09/2020_Repertoire_Outils_Numeriques_CRI_PACA_Vol_I.pdf)

https://www.illettrisme.org/repository/func-startdown/711/

Par ses actions, le CRIA contribue à la lutte contre l’illectronisme, crée des passerelles entre les savoir-faire langagiers et numériques car ces derniers relèvent des compétences de base pour agir dans la société d’aujourd’hui.

 

 

 

 

Les sensibilisations à l’illectronisme

Avec la crise du COVID, la diminution, voire la disparition, des guichets s’est accélérée et généralisée à toutes les institutions et entreprises. Du fait de leurs lacunes dans les savoirs de base, les personnes en situation d’illettrisme ont des difficultés logiques à utiliser les appareils électroniques et vivent ce virage du tout numérique comme une double peine :

  • Difficulté à utiliser les services publics en ligne : le plus préoccupant est sans doute lié au développement de la e-santé (doctolib, Mon Espace santé…etc), mais les difficultés concernent toutes les administrations.
  • Difficulté à trouver un emploi : exigence croissante de maîtrise des outils informatiques en emploi ; offres d’emploi presqu’uniquement en ligne ; actualisation des informations pour Pôle Emploi…
  • Incapacité à utiliser les services bancaires en ligne : toute action nécessite des vérifications mails ou téléphones.
  • Difficulté à utiliser d’autres services commerciaux en ligne : achat de billets de train, facture d’énergie par email… Cela passe aussi par le développement d’applications mobiles devenues courantes voire nécessaires mais souvent difficiles d’accès.
  • Difficulté à suivre la scolarité des enfants alors que les informations passent par l’espace numérique de travail (ENT) : devoirs, envoi de factures de cantine, informations sur les réunions, sur les grèves,…
  • Problèmes pour accéder à l’information : Internet est devenu la principale source d’information, mais avec une fiabilité parfois douteuse. L’accès à l’information mais aussi le développement d’un esprit critique en permettant la bonne lecture font défaut.
  • Difficulté à protéger sa vie privée en ligne : vulnérabilité aux arnaques en ligne entrainant une méfiance légitime.

Ces situations ont été bien illustrées par Lire et Ecrire Bruxelles dans une série de courtes vidéos :

En 2022, Ressources & Territoires avait notamment échangé avec le GRADeS (Groupement d’appui au développement de la e-santé), dans l’objectif de sensibiliser les nombreux ambassadeurs de « mon espace santé » à l’illettrisme et à l’illectronisme. Une première session de « sensibilisation à l’illectronisme » a alors été proposée. Le contenu consistait en un faisceau d’informations sur les difficultés du public et la connaissance d’outils et de dispositifs comme entre autres :

  • Les Pass Numériques, qui permettent d’accéder à des services d’accompagnement au numérique

https://societenumerique.gouv.fr/fr/dispositif/pass-numerique/

  • Le B2i adultes, validant les compétences numériques

https://www.education.gouv.fr/le-brevet-informatique-et-internet-adultes-2021

  • Le référentiel Cléa numérique

https://www.certificat-clea.fr/clea-numerique/referentiel-clea-numerique/

  • La plateforme d’évaluation et de certification en ligne PIX

https://pix.fr/

  • Un site pédagogique bien connu : les bons clics :

https://www.lesbonsclics.fr/fr/

Nous avons depuis vu des publics s’inscrire à nos « modules illettrisme » désœuvrés face aux difficultés des publics avec le numérique. C’est pourquoi Ressources &Territoires a programme en 2023 trois sensibilisations à l’illectronisme, ouvertes à toutes et tous : la prochaine session aura lieu en juin.

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En quoi les compétences d’un CRIA peuvent-elles être complémentaires de celles des acteurs de la lutte contre la fracture numérique d’un territoire ?

Les démarches administratives sont, comme chacun sait, de plus en plus amenées à être dématérialisées. Simple option au départ, certaines ne sont à l’heure actuelle même plus dotées de la version papier. La crise sanitaire n’a pas inversé la tendance, loin de là, puisque des domaines jusqu’ici épargnés par le numérique, ont opéré un virage à 180°, et ont dû, pour survivre, s’adapter au « tout à distance ». Opportunité rêvée pour certains, pour des personnes confrontées à des problèmes de mobilité, par exemple, mais véritable casse-tête pour d’autres. Les CRIA ont notamment pu observer les difficultés rencontrées par les publics en situation d’illettrisme et /ou en difficulté avec les savoirs de base. De par leur mission d’observatoire, les Centres de Ressources ont en effet vu augmenter drastiquement les demandes d’appui s’inscrivant dans le cadre de la lutte contre la fracture numérique.

Quelle est la place des CRIA dans un paysage associatif regorgeant souvent d’initiatives d’aide à l’autonomie, inclusion numérique comprise ?

Tout d’abord, il est important de se pencher sur la question de la compétence : les CRIA ont une compétence en termes de repérage et d’accompagnement des publics en situation d’illettrisme et/ ou en difficulté avec la langue française, mais ne sont pas des acteurs de l’inclusion numérique à proprement parler. Ils s’y insèrent justement dans une optique d’accompagnement spécialisé et de prise en considération des personnes citées plus haut. Les structures qui s’inscrivent dans le champ de la lutte contre la fracture numérique reçoivent quant à elles des personnes de tous horizons : des seniors, mais aussi des jeunes et des moins jeunes, dont l’environnement social et familial n’a pas toujours permis de se familiariser avec les ordinateurs, et ce malgré les différents dispositifs de remédiation mis en place par la Région Occitanie.
Selon les parcours et appétences des conseillers numériques, la question de l’accompagnement à l’inclusion numérique d’un point de vue linguistique peut être un frein à la mise en place d’un plan d’action optimal. C’est à cet instant qu’entre en scène le Centre Ressources, par le biais d’un appui technique en interne : une première rencontre, pour faire un état des lieux du contexte de la structure et rencontrer les différents acteurs qui y interviennent, puis un déroulé adapté aux besoins relevés.
Il peut être judicieux de démarrer l’appui par une sensibilisation à la question des publics afin de les différencier et d’insister sur les spécificités – et donc besoins – de chacun. La question du repérage des situations d’illettrisme, facteur certain de situations d’isolement numérique est à aborder, ainsi que celle de la posture de l’accompagnant. Le Centre Ressources est également en mesure de transmettre un grand nombre d’outils et de supports pédagogiques adaptés à la pratique du numérique par le public en difficulté avec la langue et/ou les savoirs de base, en tenant compte du profil de chacun.

En tant qu’acteur territorrial, un CRIA est garant de la prise en compte et de l’accompagnement effectif des personnes allophones et de celles en situation d’illettrisme. Auprès des structures de l’inclusion numérique, le CRIA a également vocation à enrichir les pratiques d’un conseiller, formateur ou accompagnant, contribuant ainsi à la lutte contre l’illectronisme.

 

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